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Litiges entre associés : les solutions

par | Jan 24, 2023 | Contributions

Les litiges entre associés peuvent être particulièrement préjudiciables à leurs intérêts, mais également aux intérêts de la société. Il peut s’agir d’oppositions entre associés majoritaires et minoritaires, entrainant la possibilité d’abus de majorité ou de minorité, ou entre associés égalitaires, source de paralysie des organes de direction et de décision.

Face à ces situations, les associés et dirigeants ne sont toutefois pas démunis.

Certains outils permettent tout d’abord de collecter des informations sur la gestion de la société, qui font parfois défaut aux associés minoritaires :

  • le droit d’information,
  • le droit de convoquer une assemblée générale,
  • l’expertise de gestion,

Un outil encore peu utilisé, mais efficace, permet de protéger la société tout en facilitant la recherche d’un accord entre associés : la nomination d’un administrateur provisoire.

A défaut d’accord, les décisions prises par les dirigeants ou par l’assemblée générale peuvent être contestées en justice:

  • les actions en abus de majorité ou abus de minorité,
  • les actions en responsabilité,

Enfin, les sociétés civiles offrent une possibilité particulière : le retrait de l’associé.


  1. Le droit d’information des associés

Dans les sociétés commerciales, les associés ou actionnaires disposent du droit de se faire communiquer différents documents sur la gestion des affaires sociales :

–  soit à l’occasion de la réunion d’une assemblée générale (droit de communication « préalable »),

soit en dehors de toute réunion (droit de communication « permanent »),

Dans les sociétés civiles, les associés peuvent également consulter au siège social tous les documents établis par la société, notamment les livres et documents sociaux, mais également les contrats, factures, correspondances, etc, et d’en prendre copie.


  1. La convocation de l’assemblée générale à l’initiative des associés

La réunion de l’assemblée générale sur un ordre du jour choisi peut être un moyen d’obtenir des informations ou explications éventuellement manquantes. Tout associé de SARL ou de société civile, et tout actionnaire de société par action représentant au moins 5 % du capital, peut, à défaut de convocation de l’assemblée générale par le dirigeant et après avoir vainement mis en demeure ce dernier, demander en justice la désignation d’un mandataire ad hoc, qui aura pour mission de convoquer cette assemblée, sur l’ordre du jour déterminé par le juge.

 


  1. L’expertise de gestion

Lorsqu’il existe des présomptions sérieuses d’irrégularité portant sur une opération de gestion déterminée, un ou plusieurs associés, dès lors qu’ils représentent une fraction du capital social d’au moins 10 % dans la SARL, et de 5 % dans les sociétés par actions, peuvent demander en justice la désignation d’un expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.


  1. Un outil efficace : la désignation d’un administrateur provisoire

 Tout l’intérêt de cette mesure est, d’une part, de protéger les intérêts de la société, d’autre part, de faire intervenir un tiers au litige, bénéficiant de la légitimité d’une désignation en justice, qui pourra favoriser la reprise d’un dialogue entre les associés, et la recherche d’une solution amiable.

 Cette nomination constitue habituellement une mesure exceptionnelle, destinée à remédier à une situation de crise aiguë rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent, ainsi notamment en cas de conflit grave entre deux groupes d’actionnaires ou deux dirigeants mettant en péril les intérêts sociaux ou bloquant son fonctionnement.

 Lorsque les conditions sont réunies, tout associé peut demander en justice la nomination d’un administrateur provisoire, le plus souvent en référé et après assignation de la société représentée par son dirigeant, mais elle peut également, dans certaines circonstances, être obtenue sur requête non contradictoire, ainsi lorsqu’il s’agit de limiter les effets préjudiciables des agissements d’un dirigeant.

L’administrateur provisoire doit être choisi sur la liste des administrateurs judiciaires.

 L’administrateur se voit habituellement confié, pour une durée déterminée, les pouvoirs de gestion de la société (le dirigeant en place se trouve donc dessaisi de ses pouvoirs), outre le cas échéant l’attribution de missions spécifiques dictées par la situation.


  1. Les actions en abus de majorité ou abus de minorité

Il y a abus de majorité lorsque la décision adoptée par le ou les associés majoritaires est contraire à l’intérêt social, et a été prise dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité, au détriment des autres associés.

L’abus de majorité entraîne généralement la nullité de la décision prise en assemblée générale, outre d’éventuels dommages-intérêts.

Il y a abus de minorité lorsque l’associé disposant d’une minorité de blocage adopte une attitude contraire à l’intérêt général de la société, en interdisant une opération essentielle pour celle-ci, dans l’unique dessein de favoriser ses intérêts, au détriment des autres associés.

Dans ce cas, il est possible de demander au juge la désignation d’un mandataire ad hoc ayant pour mission d’exercer le droit de vote de l’actionnaire jugé coupable d’abus de minorité, et de voter dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social.


  1. L’action en responsabilité contre le dirigeant

L’engagement de la responsabilité d’un dirigeant par un associé est délicat, car elle suppose que ce dernier démontre l’existence d’un préjudice propre, distinct du préjudice subi par la société.

Tout associé peut toutefois agir au nom de la société à l’encontre du dirigeant, en réparation du préjudice subi par cette dernière. Les dommages intérêts le cas échéant obtenus sont alors alloués à la société.

 


  1. Le retrait de l’associé d’une société civile

Enfin, relevons une solution propre aux sociétés civiles : le retrait.

Tout associé de société civile peut en effet demander en justice son retrait de la société pour justes motifs.

La notion de justes motifs s’apprécie de façon subjective, par rapport à la situation personnelle de l’associé concerné, étant relevé qu’il ne peut s’agir de raisons de convenance personnelle telles que des considérations d’ordre fiscal ou successoral.

Ont notamment été considérés comme justes motifs :

  • le refus systématique, par les associés majoritaires, de distribuer des dividendes alors que rien ne justifie un tel refus,
  • la privation du droit de vote de l’associé, et l’absence de communication des informations auxquelles il a droit,
  • le fait pour un associé de ne plus avoir aucun intérêt à rester dans la société, au regard de son âge, de sa situation de fortune, etc,

L’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, déterminée, à défaut d’accord amiable, par un expert désigné en justice.

Etienne Gutton