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Réforme du Code du travail : ce qui devrait changer

par | Nov 6, 2017 | Contributions

Mesure phare de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, le droit du travail va faire l’objet d’une profonde réforme, par voie d’ordonnances.

Rappelons brièvement ce que signifie légiférer par ordonnances. En principe, seul le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) a le pouvoir de voter la loi. Toutefois, l’article 38 de la Constitution prévoit que « [l]e Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Pour ce faire, les parlementaires votent une loi d’habilitation pour déléguer au Gouvernement leur pouvoir législatif dans un domaine précis et pour une durée limitée. Les ordonnances sont ensuite adoptées en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’État. Pour qu’elles aient force de loi, le Gouvernement doit enfin présenter un projet de loi de ratification au Parlement. Députés et sénateurs doivent donc voter pour que l’ordonnance devienne loi. Il peut arriver que les parlementaires ne la ratifient pas. L’ordonnance continue alors d’exister, mais elle a la valeur d’un décret, inférieure à celle de la loi (qu’elle soit déjà en vigueur ou votée par la suite). Autrement dit, l’Assemblée peut, même une fois l’ordonnance signée et ses mesures appliquées, en annuler les effets.

Mercredi 2 août 2017, le projet de loi qui habilite le Gouvernement à « prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social » a été définitivement adopté par le Parlement. A l’heure où nous rédigeons ces lignes, le Gouvernement a annoncé que les ordonnances devraient être adoptées en Conseil des ministres dans la semaine du 18 septembre.

Que devraient-elles contenir ? À quels principaux bouleversements devons-nous nous attendre ?

Négociation collective

Le Gouvernement est tout d’abord autorisé à définir les domaines dans lesquels l’accord d’entreprise ou d’établissement ne pourra pas comporter de stipulations différentes de celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels, ainsi que les domaines dans lesquels les conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels peuvent stipuler expressément s’opposer à toute adaptation par accord d’entreprise ou d’établissement. En obligeant à énumérer limitativement ces domaines, cela revient à dire que dans tous les autres domaines non cités, la primauté de l’accord d’entreprise ou d’établissement sera le principe, tandis que la primauté de l’accord de branche, professionnel ou interprofessionnel sera l’exception.

L’accord de branche pourra en outre prévoir que certaines dispositions seront adaptées ou non appliquées dans les petites entreprises pour tenir compte de leurs contraintes particulières, tout en accordant, le cas échéant, des contreparties aux salariés.

La négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical dont l’effectif est inférieur à un certain seuil devrait par ailleurs être facilitée.

Institutions représentatives du personnel

Délégués du personnel, Comité d’entreprise et Comité d’Hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) devraient être fusionnés en une seule instance. Les membres de cette instance unique pourront exercer au maximum trois mandats électifs successifs. Si elle n’est pas expressément mentionnée, l’extension aux délégués syndicaux ne semble pas pour autant à écarter.

Rupture du contrat de travail

Le Gouvernement est autorisé à fixer un barème établi notamment en fonction de l’ancienneté pour les dommages-intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sont d’ores et déjà exclus les licenciements « entachés par une faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité, notamment par des actes de harcèlement ou de discrimination ». Reste à savoir si le Gouvernement définira plus précisément ce type de faute ou si son appréciation incombera au juge.

Une mesure importante, qui ne figure pas dans la loi d’habilitation, a par ailleurs été annoncée par le biais d’un communiqué de presse publié sur le site du ministère du travail le 13 juillet dernier : le montant de l’indemnité légale de licenciement devrait être revu à la hausse.

Il est en outre à signaler, s’agissant des licenciements pour motif économique dans une entreprise appartenant à un groupe, que la cause économique ne serait plus appréciée qu’au niveau des entreprises du groupe situées sur le territoire national, comme le prévoyait d’ailleurs, en substance, la première version du projet de loi « El Khomri ».

Autre ambition annoncée : modifier et simplifier le régime fiscal et social des sommes dues par l’employeur et versées au salarié à l’occasion de la rupture du contrat de travail, afin d’inciter à la résolution plus rapide des litiges par la conclusion de ruptures conventionnelles, de transactions, d’accords devant le bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de prud’hommes.

Parallèlement, les délais de recours pour contester la rupture de son contrat de travail devraient être réduits.

Et plus encore…

La loi d’habilitation prévoit également – et sans que cela ne soit exhaustif – la modification des règles de recours au télétravail et au travail à distance pour assurer une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie privée, mais également le maintien et le retour à l’emploi des personnes handicapées.

Les règles relatives au contrat de travail à durée déterminée et de travail temporaire devraient être également profondément remaniées, permettant une assez large adaptation par convention ou accord collectif de branche.

La législation en matière de détachement sera aussi modifiée, notamment pour tenir compte des spécificités concernant les prestataires intervenant habituellement en zone frontalière.

Parcours habituellement semé d’embûches, les obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude d’origine professionnelle ou non devraient quant à elles être « clarifiées ».

En conclusion :

La lecture de la loi d’habilitation nous offre un premier éclairage intéressant, mais le cadre est large. Il faut maintenant attendre les fameuses ordonnances et leur ratification (ou non) pour connaître l’ampleur du changement annoncé.

Sophie Couronne