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Crise sanitaire du Covid-19 et garantie pertes d’exploitation (contrat d’assurance)

par | Mai 27, 2020 | Actualités

Le 22 mai dernier, le Tribunal de commerce de Paris a rendu une décision en référé suite à l’action engagée par la SAS MAISON ROSTANG (société exploitant le Bistrot d’à Côté Flaubert à Paris), dirigée par Monsieur MANIGOLD, à l’encontre d’AXA France IARD.

Vous pouvez télécharger cette Ordonnance de référé, en cliquant ici.

Le Président du Tribunal de commerce de Paris a admis la recevabilité de l’action en référé (caractère d’urgence compte tenu du déficit en trésorerie de la société qui s’élève à plus de 200 000 €).

Il a ordonné à la compagnie d’assurance de verser à la société une provision de 45 000 € relative à l’indemnisation du préjudice subi et a désigné un expert judiciaire dont la mission consistera notamment à évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d’indemnisation.

Pour rappel, un bras de fer avait été engagé depuis plusieurs semaines entre Monsieur MANIGOLD, le dirigeant de plusieurs restaurants parisiens, et la compagnie d’assurance précitée, laquelle refusait d’indemniser la perte d’exploitation du restaurateur au motif notamment que le risque pandémique est inassurable.

L’indemnisation de la perte d’exploitation subie par les entreprises, en particulier pour celles ayant été contraintes de fermer leur établissement en application des mesures gouvernementales en date des 14 et 15 mars 2020, représente un enjeu majeur.

Cela explique la forte médiatisation de ce contentieux.

Il convient néanmoins de relativiser la portée de cette décision rendue le 22 mai dernier par le Président du Tribunal de commerce de Paris, et ce, notamment pour les raisons suivantes :

Il s’agit à ce stade d’une affaire examinée en référé (caractère provisoire), laquelle consiste ainsi à confier au Président d’une juridiction le soin de faire application des clauses d’un contrat lorsque celles-ci n’appellent aucun débat (pas de contestation sérieuse), et non de trancher le débat sur le fond.

C’est ce qu’a rappelé expressément le Président du Tribunal de commerce de Paris :

 « AXA France IARD explique le caractère inassurable du risque pandémique tant au plan économique que juridique.

 Ce débat pour intéressant qu’il puisse être et sur lequel les avis divergent ne nous concerne pas.

 Nous avons à nous prononcer sur l’application d’un contrat d’assurance précis comportant conditions générales, conditions particulières et intercalaire SATEC, le tout constituant la loi des parties et ceci, sans avoir à trancher de contestations sérieuses. »

 AXA France IARD a déclaré qu’elle ferait appel de l’Ordonnance de référé.

Suite à cette décision, AXA France IARD a publié un communiqué sur son internet accessible via ce lien : https://axalive.fr/article/axa-jugement-stephane-manigold).

  • Comme pour tout litige afférent à l’exécution d’un contrat, une analyse précise de chaque contrat d’assurance (au cas par cas) est nécessaire.

Aucune généralité ne peut être faite compte tenu de la diversité des clauses contenues dans les différents contrats d’assurance souscrits par les entreprises, y compris auprès de la même compagnie.

  • En l’espèce, le contrat d’assurance souscrit par la SAS MAISON ROSTANG stipulait que la « fermeture administrative» de l’établissement assuré est un événement couvert par la  garantie perte d’exploitation.

Or, ce type de clause (fermeture administrative) est absent de la majorité des contrats d’assurance.

  • Par ailleurs, la majorité des contrats d’assurance stipulent que le bénéfice de la garantie perte d’exploitation est subordonné à la survenance de dommages matériels ayant entraîné l’interruption d’activité de l’entreprise assurée.

Or, la perte d’exploitation résulte d’une décision de confinement général et aucun dégât matériel n’est à déplorer.

  • En outre, contrairement au contrat d’assurance conclu par la SAS MAISON ROSTANG, la majorité des contrats d’assurances excluent expressément la pandémie.

En tout état de cause, nous serons attentifs à l’interprétation qui sera faite prochainement de la clause litigieuse (relative à la perte d’exploitation) de ce contrat d’assurance lors d’un examen au fond par les juges.

Frédéric Maire