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Barème obligatoire des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; peut-on être au-dessus des lois ?

par | Avr 3, 2019 | Contributions

Ce qui pourrait être un sujet du bac philo est au cœur des discussions au sein des juridictions prud’homales depuis maintenant quelques semaines.

Tout a commencé quand, de manière concomitante et a priori non concertée en fin d’année dernière, trois Conseils de prud’hommes ont mis à mal le barème obligatoire des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rappelons que parmi les ordonnances dites « Macron «  de 2017, l’une d’elle a introduit dans le Code du travail le plafonnement des indemnités prud’homales accordées au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce barème est souvent décrié notamment sur le montant indemnitaire prévu au crédit des salariés licenciés injustement et totalisant une faible ancienneté, jugé insuffisant ( un mois de salaire par exemple au maximum si le salarié totalise moins d’un an d’ancienneté).

Pourtant, tant le Conseil d’Etat que le Conseil constitutionnel ont validé ce barème, notamment parce que des déplafonnements sont prévus en cas de faute grave de l’employeur (harcèlement par exemple).

C’était sans compter sur les juges prud’homaux…

Les Conseils de prud’hommes du Mans, de Troyes et d’Amiens ont ainsi fait tomber les verrous du barème légal.

Les conseillers se sont appuyés sur l’article 24 de la Charte sociale européenne aux termes duquel « les Parties s’engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée », et sur l’article 10 de la Convention de l’OIT sur le licenciement qui dispose que les tribunaux « devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

Il semblait assez vraisemblable que ces décisions assez isolées soient rapidement censurées par des décisions de magistrats professionnels en appel.

Seulement voilà, le 05 février 2019, un juge départiteur, donc un juge professionnel détaché du Tribunal d’instance d’Agen pour mettre d’accord les conseillers prud’hommes en cas de partage de voix, a suivi ce mouvement protestataire en jugeant que l’application du barème légal devait être écartée comme non conforme aux engagements internationaux de la France. Le juge a ainsi accordé à une salariée une indemnité du double de ce qu’elle aurait perçu au maximum par application du barème légal.

L’on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec le contrat nouvelles embauches, institué par ordonnances en  2005, et finalement invalidé par la Cour de cassation en 2008…

A l’époque, les entreprises qui avaient pourtant strictement respecté la loi au moment de la rupture du contrat se sont vues lourdement condamnées aux prud’hommes motif pris d’un licenciement non fondé !

Effet « gilets jaunes » ou volonté des juges du travail de s’instituer « juge-législateur », il faudra attendre la position de la Cour de cassation…Et en attendant, il faut garder à l’esprit que ce qui est légalement obligatoire n’est pas forcément obligatoire…

 Sophie Cornu