cabinet avocats-droit-affaires-nancy

Le droit de rétractation du professionnel – L 221-3 Code de la consommation

par | Déc 7, 2018 | Contributions

Les professionnels bénéficient également (sous certaines conditions) du droit de rétractation prévu par le Code de la consommation.

Cette extension du droit de rétractation au bénéfice des « petits professionnels » (entrepreneurs individuels, professionnels libéraux, TPE etc) est consacrée par l’article L.221-3 du Code de la consommation. Ce texte dispose que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit un contrat par un moyen de communication à distance ou conclu hors établissement, dont l’objet n’entre pas dans le champ d’application de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du Code de la consommation relatives au droit de rétractation.

Encore faut-il que le professionnel se rapproche rapidement de son conseil afin de notifier son droit de rétractation dans les plus brefs délais et en bonne et due forme.

Très peu connu des professionnels, cet article peut pourtant s’avérer une aide précieuse dans certaines situations comme l’illustre un arrêt récent rendu par la lè‘ chambre civile de la Cour de cassation.

Par un arrêt important rendu le 12 septembre 2018, la Cour de Cassation a statué sur le champ d’application de l’article L.221-3 du Code de la consommation qui fait bénéficier certains professionnels d’un droit de rétractation en cas de contrat conclu par un moyen de communication à distance ou conclu hors établissement.

A titre de rappel, le droit de rétractation permet, discrétionnairement, de revenir sur son consentement et de se désengager d’un contrat. Le droit de rétractation est ainsi une exception au principe de force obligatoire du contrat, principe essentiel du droit des contrats consacré à l’article 1103 du Code civil.

Dans l’optique de protéger les consommateurs qui se retrouvent fréquemment en position de faiblesse à l’égard des professionnels, compte tenu notamment de l’accroissement des nouvelles méthodes de contractualisation à distance (via internet notamment) et de la multiplication des abus de certains professionnels (utilisation massive du démarchage par téléphone et à domicile), le législateur a consacré un droit de rétractation au bénéfice du consommateur qui contracte par un moyen de communication à distance (internet, téléphone etc.) ou lors de la conclusion d’un contrat dit hors établissement ( défini à l’article L.221-1 du Code de la consommation).

Ce délai de rétractation, qui est passé de 7 à 14 jours suite à l’entrée en vigueur de la loi Hamon du 17 mars 2014, court :

  • à compter de la conclusion du contrat pour les prestations de services ;
  • à compter de la réception du bien par le consommateur pour les contrats de vente de biens.

En outre, si le professionnel n’a pas communiqué au consommateur les informations permettant au consommateur d’exercer son droit de rétractation (notamment par la communication d’un formulaire type de rétractation au moment de la conclusion du contrat), le délai de rétractation de 14 jours est prolongé à 12 mois à compter de la conclusion du contrat.

Si le bénéfice de ce droit de rétractation pour les consommateurs est bien connu, ce n’est pas le cas de l’article L.221-3 du Code de la consommation qui étend son champ d’application aux professionnels. En effet, certains « petits professionnels » (entrepreneurs individuels, professionnels libéraux, TPE etc.) peuvent également se trouver en situation de faiblesse à l’égard de leurs cocontractants. Ils encourent ainsi le risque de se retrouver engagés contractuellement suite à une mauvaise compréhension du contrat qu’ils ont conclu soit par un moyen de communication à distance (internet, téléphone), soit hors établissement (suite à un démarchage).

Pour que le professionnel bénéficie de ce droit de rétractation, deux conditions mentionnées à l’article L.221-3 du Code de la consommation doivent être cumulativement remplies :

le nombre de salariés employés par le professionnel doit être inférieur ou égal à 5 ; le contrat (dont le professionnel souhaite se rétracter) ne doit pas entrer dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité.

L’arrêt rendu le 12 septembre 2018 par la Cour de cassation apporte une illustration du bénéfice, pour un professionnel, du droit de rétractation prévu à l’article L.221-3 du Code de la consommation.

En l’espèce, suite à un démarchage par un prestataire, un architecte avait souscrit un contrat de création et de licence d’exploitation d’un site internet dédié à la promotion de son activité auprès de sa clientèle ainsi que la réalisation de prestations accessoires (communication et publicité).

Près de deux mois après la signature dudit contrat, l’architecte dénonce le contrat en notifiant au prestataire son droit de rétractation. Déniant à l’architecte le droit de se rétracter, au motif que l’objet du contrat entrait « dans le champ de l’activité principale de l’architecte », le prestataire l’a assigné en paiement de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat.

(A noter que la détermination de ce qui entre ou non dans le champ de l’activité principale du professionnel (qui souhaite se rétracter du contrat qu’il a souscrit) relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, il en résulte ainsi un certain aléa.)

Or, en 2017 la Cour d’appel a débouté le prestataire de sa demande en paiement au motif que la communication commerciale et la publicité via un site internet n’entraient pas dans le champ de l’activité principale d’un architecte. Ce dernier (qui employait moins de 5 salariés) bénéficiait donc d’un droit de rétractation de 14 jours à compter de la conclusion du contrat.

Le prestataire n’avait évidemment pas communiqué à l’architecte, au moment de la conclusion du contrat, les informations relatives au délai de rétractation. En conséquence, l’architecte bénéficiait d’un délai de rétractation étendu à 12 mois à compter de la conclusion du contrat. En l’espèce, il avait valablement rétracté son engagement 47 jours après la conclusion du contrat.

La Cour de cassation (qui ne contrôle pas les faits) a approuvé la motivation de la Cour d’appel qui avait pris soin de détailler les circonstances de fait sur la base desquels elle avait reconnu à l’architecte la validité de sa rétractation et avait débouté en conséquence le prestataire de sa demande en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de l’architecte.

Frédéric Maire